Audience publique du 21 juin 2006 – engage sa responsabilité personnelle à l’égard de ses subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement

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N° de pourvoi : 05-43920
Inédit

Président : M. SARGOS

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° T 05-43.920 à W 05-43.923 ;


Attendu que plusieurs salariés de l’association Propara se sont plaints du comportement brutal, grossier, humiliant et injurieux à leur égard de leur directeur, M. X…, et ont dénoncé les menaces, dénigrements, intimidations et sanctions injustifiées dont ils faisaient l’objet au travail ; qu’un rapport de l’inspection du travail du 26 novembre 2002 a conclu que M. X… se livrait effectivement à « une pratique de harcèlement moral généralisée entraînant une dégradation des conditions de travail, une atteinte aux droits des personnes et à leur dignité ainsi qu’une altération de la santé physique et morale de certains salariés » ;
qu’un médiateur a également relevé des faits de même nature commis par M. X… à l’encontre de ses subordonnés ; que le 28 février 2003, plusieurs salariés ont saisi le conseil de prud’hommes d’une action dirigée tant contre M. X… personnellement que contre l’association en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont ils avaient été victimes ; que l’association, qui avait déchargé M. X… de ses fonctions d’encadrement du personnel le 28 janvier 2003, puis l’avait licencié le 7 mars 2003, a contesté sa responsabilité, tandis que M. X… demandait que l’association soit déclarée responsable des faits reprochés et condamnée au paiement des indemnités réclamées ; que l’arrêt attaqué, retenant que M. X… avait commis des faits de harcèlement moral au sens de l’article L. 122- 49 du code du travail, l’a condamné à payer des dommages-intérêts aux salariés et a déchargé l’association Propara de toute responsabilité ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X… fait grief aux arrêts attaqués (Montpellier, 25 mai 2005) de l’avoir condamné à verser à chacun des salariés des dommages-intérêts pour harcèlement moral alors, selon le moyen :
1 / que le préposé n’engage pas sa responsabilité civile lorsque la faute qui lui est reprochée n’est pas détachable de la mission qui lui a été confiée par le commettant ; qu’en condamnant M. X… à réparer le préjudice invoqué par la salariée sans rechercher si les agissements qui lui étaient reprochés étaient détachables de ses fonctions de directeur de l’association Propara, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1384, alinéa 5, du code civil ;
2 / que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé de ses salariés ; qu’il lui appartient de prévenir les agissements de harcèlement à l’intérieur de l’entreprise ;
qu’en condamnant M. X…, pour altération de la santé de la salariée, en lieu et place de son employeur, l’association Propara, la cour d’appel a violé les articles L. 122-49, L. 122-51, L. 230-2 et L. 230-4 du code du travail, ainsi que l’article 1134 du code civil ;
3 / qu’en application de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, les agissements de harcèlement commis à l’occasion du travail relèvent du régime spécial de responsabilité des articles L. 122-49 et suivants du code du travail ; qu’en condamnant M. X… sur le fondement de l’article 1382, la cour d’appel a violé les articles L. 122-49, L. 122-50, L. 122-51 et L. 122-52 du code du travail ;
Mais attendu, d’une part, que selon l’alinéa 1 de l’article L. 122-49 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que, d’autre part, la responsabilité de l’employeur, tenu de prendre, en vertu de l’article L. 230-2 II (g) du code du travail, les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral n’exclut pas la responsabilité du travailleur auquel il incombe, selon l’article L. 230-3 du même code, de prendre soin de la sécurité et de la santé des personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ; qu’il résulte de ces dispositions spécifiques aux relations de travail au sein de l’entreprise, qu’engage sa responsabilité personnelle à l’égard de ses subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement moral ;
D’où il suit qu’ayant retenu que le directeur de l’association, M. X…, avait sciemment harcelé moralement, au sens de l’article L. 122-49 du code du travail, des salariés qui lui étaient subordonnés, c’est à bon droit que la cour d’appel l’a condamné à leur verser des dommages-intérêts ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;



PAR CES MOTIFS :


REJETTE les pourvois ;


Condamne M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne M. X… à payer aux salariés la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille six.



LE CONSEILLER REFERENDAIRE RAPPORTEUR LE PRESIDENT



LE GREFFIER DE CHAMBRE

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